Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

UN SCULPTEUR BURKINABE AU MUSEE AFRICAIN

D’avril à juillet 2008 le Musée Africain accueillera le sculpteur Burkinabé monsieur Bomavé KONATE. Il projette non seulement d’exposer des œuvres anciennes et contemporaines mais aussi de sculpter devant nous statuettes et masques qui sont une partie importante de son savoir-faire. 

Les Konaté sont forgerons
Bomavé est né dans les années 50 au village de Oury au sein du peuple BWABA. Sa famille est l’héritière de la forge. Les forgerons fabriquent les outils de la vie quotidienne. Donnant forme au métal et sculptant le bois, leurs mains habiles façonnent les instruments aratoires et les outils du bûcheron telles les houes, les serpes, les herminettes. Le quotidien c’est aussi l’accompagnement des démarches rituelles que nécessitent tous les « passages » de l’initiation aux funérailles ; le forgeron est le maître d’œuvre qui fournit la parure des masques ; il est le fossoyeur des défunts ; il est le garant de la Tradition. A lui de la vivre, de la transmettre, de la rendre vivante et de l’actualiser.
Aujourd’hui c’est lui Bomavé qui, chef de file des KONATE, est devenu le sage et le garant de la Tradition. Pour transmettre et pérenniser il a créé chez lui une association qui gère le « Parc International des Arts Modernes Et Traditionnels » le PIAMET. Pour aller de l’avant il ouvre son peuple au monde entier grâce à des séjours réguliers en Occident. Il expose et il sculpte chez nous des œuvres à la fois copiées sur la tradition et innovantes. Au Musée Africain nous pourrons contempler figurines contemporaines et masques animaliers ancestraux.

Le Feu et le Cosmos
Les romanciers africains des années des Indépendances ont tous écrit de merveilleuses pages sur le rôle des forgerons dans leurs sociétés. Leur pouvoir sur le feu et par le feu est capital ! Mais il y a plus, leur être ne se situe pas seulement au niveau de la matérialité des minéraux et de leur transformation ; la réalité des forgerons ne situe pas seulement dans ce domaine de la maîtrise du feu ; le forgeron et sa lignée est en lien avec le visible et l’invisible, et si de surcroît il est sculpteur (c’est le cas de Bomavé Konaté) il est en relation constante avec la nature toute entière. Non seulement avec la nature, mais avec toutes les puissances à qui elle appartient, puissances visibles et invisibles qui la protègent.
Le visible et l’invisible
Prenons le cas de la confection d’un « masque animalier » ! Bomavé doit assurer le visage de cette parure rituelle. Retenons seulement la suite des démarches qu’il doit effectuer pour se procurer la matière première, le bois.
Choisir le bois l’amène à quitter son domicile et à aller loin des habitations, hors des terres domestiquées. Il quitte la « campagne » fréquentée par les humains pour entrer dans la « brousse » haut lieu de séjour des puissances invisibles. Il est autorisé à entrer dans un monde qui n’est pas le sien car il a fait précéder sa démarche d’un rituel de purification ou de demande de protection. Il continue de vivre le rituel pour choisir l’arbre dont il désire prélever une partie ou qu’il doit abattre. C’est toujours selon les critères d’une certaine liturgie qu’il accomplira sa sculpture car ce qu’il vient d’emprunter à la nature, à la vie, symbolise l’harmonie qui ne peut que régner entre les vivants et avec l’invisible. Sans cette harmonie rien de bon ne peut subsister.

Votre prochaine visite au Musée
En venant voir sculpter Bomavé, je souhaite que vous puissiez à votre tour réaliser que son ouvrage est non seulement l’art d’un « maître » mais la culture de tout un peuple ; je souhaite aussi que vous entendiez bien au-delà de nos concepts occidentaux et de nos capacités d’analyse aussi précises soient-elles ; j’aimerais que vous puissiez aller au-delà de l’esthétique et de nos critères de beauté pour accueillir l’amour et le respect qui animent ceux que nous appelons « artistes ».

Michel Bonemaison sma
Directeur du Musée Africain
Lyon 2008
Exposition « Sculptures » d’avril à juillet 2008 au Musée Africain de Lyon